Aujourd'hui le gouvernement veut progressivement supprimer la carte scolaire. Au MoDem, nous défendons l'idée qu'il faut repenser la carte scolaire pour l'égalité des chances : en défendre le principe, lui redonner son sens. Là où plusieurs établissements sont identiquement accessibles, il faut construire des réseaux et ouvrir aux élèves, peut-être aussi aux enseignants, la possibilité d’accéder à tous les établissements du réseau.
Au-delà de la garantie de l'égalité des chances, l’existence de la carte scolaire répond aussi à des impératifs triviaux. Il est tout bonnement impossible pour l’État de préparer la rentrée scolaire s’il n’est pas en mesure de prévoir à l’avance les effectifs des établissements. Comment construire des collèges ou affecter des enseignants si l’on ignore comment les élèves vont se répartir sur le territoire ? Dans les écoles, collèges et lycées, il serait impossible d’amortir de tels mouvements, en raison de locaux et d’effectifs par classe non extensibles. D’ailleurs dans l’enseignement supérieur, il n’existe guère de cas où l’affluence d’étudiants n’ait pas débouché sur la mise en place d’une sélection plus ou moins officielle par les établissements et filières concernés...
Il est donc impossible que la suppression de la carte scolaire permette comme le prétend le ministre de l'Education «le libre choix des établissements par les familles». Elle ne peut consister qu’en un libre choix des familles par les établissements. D’ailleurs, lorsqu’il n’était pas encore ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos parlait dans Le Monde du 6 septembre 2006 de laisser les établissements «recruter» des élèves là où ils le souhaitent et donnait en modèle le très sélectif Institut d’Etudes Politiques de Paris («Sciences Po») qui a ouvert un accès destiné à une poignée d’élèves de quartiers populaires, chargés de venir apporter un peu d’exotisme social dans cet établissement à la composition sociale très favorisée.
Les partisans de la suppression claironnent qu'il ne s’agit pourtant que de mettre le droit en conformité avec les faits, sachant qu'elle est déjà contournée par 30% des familles. Mais ils oublient de signaler que dans les deux tiers des cas, il s’agit d’inscriptions dans les établissements privés. Le projet gouvernemental apparaît dicté avant tout par l’idéologie méritocratique du nouveau président. La remise en cause de la carte scolaire traduit le renoncement officiel de l’État à assurer le droit de tous à la réussite scolaire au profit d’un système légitimant la réussite d’une minorité favorisée censée incarner le mérite.
En cela, il est particulièrement malhonnête de faire passer la carte scolaire comme un simple dispositif technique ayant mal vieilli depuis son instauration en 1963 qui serait dès lors discutable, sans remettre en cause les fondements de l’école républicaine. L’ambition républicaine d’assurer à tous les futurs citoyens un niveau élevé d’éducation a d’abord été satisfaite par l’école primaire publique, laïque, gratuite et obligatoire. La carte scolaire la prolonge dans le contexte de l’allongement de la durée des études et de l’urbanisation de masse. Or ces phénomènes n’ont cessé de s’accentuer.
Donnons un égal accès à tous les établissements aux filières d’excellence, au lieu de créer des filières de «discrimination positive» alibi (et conservons un volant de places offertes à un concours national ou académique pour ne pas pénaliser à rebours les bons élèves). Dès lors, chaque famille, au lieu de chercher une grand-mère ou un collatéral dans le 5ème arrondissement, cherchera la même grand-mère ou le même collatéral dans un lycée provincial ou de banlieue.
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