Bonsoir Manu, bonsoir Malik, bonsoir à vous toutes et tous, auditrices et auditeurs d’HDR. 7e chronique du Speedball, pour tous les accrocs de la politique et d’internet enregistrée dans des conditions particulières puisque je ne suis pas en studio mais dans mon salon.
En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées… Ce slogan d’une publicité sortie dans les années 70, à la fin des 30 glorieuses, la fin d’une France prospère qui ne doutait pas de ses acquis sociaux quand il y avait du boulot pour tout le monde, me trotte dans la tête ces jours-ci alors que l’essence et surtout le gasoil se font rares aux stations services.
Conséquence de la contestation de la réforme sur les retraites, le blocage des raffineries et des dépôts de carburants se fait sentir particulièrement dans notre belle région toute dédiée à l’industrie pétrolière…
Pourtant, selon le gouvernement, il n’y avait pas de pénurie à craindre. Message qui n’a pas du être bien entendu par Monsieur et Madame Tout-Le-Monde qui se sont empressés d’aller faire le plein. Résultat, des files d’attente interminables aux rares stations services encore détentrices des précieuses gouttes de pétrole.
Même si sous le titre rassurant « Essence, un retour à la normale dans 4 à 5 jours », Le Figaro tente de relayer le discours gouvernemental, il est bien obligé de faire ce constat :
A force de minimiser l'importance de la pénurie pour éviter les pleins de précaution, le discours se retrouve déconnecté des réalités du terrain. «Arrêtons de dire qu'il n'y a pas de pénurie ! Chez moi, il n'y a plus une goutte d'essence», a tempêté un député de Loire-Atlantique ce mardi, lors d'une réunion à l'UMP. «Il y a besoin de faire évoluer les éléments de langage sur le 'pas de pénurie' parce que ça crée un malentendu», a confirmé Jean-François Copé, patron des députés de la majorité.
Elements de langage… Il semble que cela ne suffira pas à rassurer les lecteurs, pour s’en convaincre, allez lire les commentaires qui suivent cet article, ils sont édifiants, je vous en livre quelques uns, piochés au hasard, incrédule : Comme d'habitude, c'est une information irréaliste Je peux vous dire que hier soi , tout l'ouest s'est définitivement bloqué et les autoroutes se vidaient. Ou ironique : "Il n'y aura pas de pénurie"... "Essence : un retour à la normale dans 4 à 5 jours"... Et en plus, l'essence sera gratuite ! Ou très critiques : Tiens à propos les prioritaires que sont les médecins n'ont déjà plus de carburant pour assurer leurs visites à domicile. Bachelot si prompte à réquisitionner les médecins pour la pseudo grippe de l'année dernière, ne s'est même pas penchée sur le sujet. Les préfectures n'ont rien mis en place, quel foutoir...
Alors il y a bien des tentatives de déblocage. Ainsi dimanche dernier au Havre, la Compagnie industrielle maritime a vu débarquer vers 7 heures, la mer une opération commando qui a permis la remise en fonctionnement du pipeline qui dessert en kérosène l'aéroport de Roissy.
Hier à Rouen, c’est le terminal Rubis qui était l’enjeu de toutes les attentions policières et syndicales :
Devant les dépôts, on s'installe, puis on s'en va, et on revient... Le terminal Rubis, au Grand-Quevilly, près de Rouen, est un bon exemple de ce petit jeu stérile mené par les autorités - stérile parce les raffineries sont à l'arrêt. Dégagé samedi matin, il a été à rebloqué lundi, et débloqué mardi matin à l'aube. A 14h 16, Paris-Normandie annonçait brièvement qu'il était "à nouveau bloqué par une trentaine de manifestants", et à 17h 30, que "le boulevard maritime [était] bloqué depuis 16h30 à la hauteur du terminal Rubis à Grand-Quevilly par 200 grévistes qui bloqu[aient] l'accès aux réserves de carburant".
Peut-être y sont-ils encore, peut-être ont-ils été délogés...
Photo JM Thuillier - Paris-Normandie
Hier, j’entendais des automobilistes se refiler le tuyau : « La station machin, vient d’être réapprovisionnée en gazole… » Oui, c’est la dernière info que l’on s’arrache, tous les quotidiens s’y sont mis, en première page de leur site internet, ave cette rubrique : Où trouver de l’essence ? Comme quoi, internet démontre son utilité, tel ce forum sur Automoto qui recense département par département les stations où l’on peut s’approvisionner, ainsi que le temps d’attente. On en est à 39 pages de contributions sur la Seine-Maritime à l’heure où je vous écris.
Lundi, cette quête du carburant à inspiré ces lignes à David Abiker :
En faisant mes 20 minutes de queue à la pompe, j’ai pensé à plein de choses. D’abord encore et toujours à Mad Max. Mad Max était visionnaire puisque l’action se déroulait dans une époque d’après le pétrole
En me saisissant du déversoir, je sens malgré le plein de soulagement, que tout ça, c’est du passé. Ma descendance se débrouillera autrement, elle pédalera, elle ramera, elle rebondira, elle roulera au courant, elle avancera en courant mais pour elle, l’essence ce sera le non sens.
Je pense aussi que l’époque de l’après pétrole n’est pas de la science-fiction. Vous avez sans doute déjà entendu parler du peak oil, ou en français le pic pétrolier, moment où la production de pétrole cessera d’augmenter et commencera à décliner. Les optimistes annoncent que le pic pétrolier surviendra au plus tôt en 2020.
Ce sont surtout des économistes, certains pays comme les USA ou certaines compagnies pétrolières… Ils croient en la prolongation des progrès technologiques, ils pensent que l'exploitation du pétrole non conventionnel comblera la chute de production du pétrole conventionnel pendant un certain nombre d'années.
Pourtant, un certain nombre d'optimistes, y compris des compagnies pétrolières, ont revu leurs prévisions à la baisse. C'est le cas de l'AIE qui, jusqu'en 2006 clamait que jusqu'en 2030 il n'y aurait pas de problème à condition de faire les investissements nécessaires.
Les pessimistes pensent au contraire que le pic pétrolier est imminent, voire que nous y sommes déjà. Ce sont souvent des géologues et d'anciens employés de compagnies pétrolières ou aussi des experts non liés aux producteurs qui eux, accordent beaucoup d'importance au « terrain » et aux difficultés d'extraction du pétrole.
Comme le temps m’est compté, je vous épargne l’exploitation des sables bitumineux qui ressemble à l’enfer d’un point de vue écologique. C’est que le bitume, englué dans la glaise et le sable sous les forêts du nord de l’Alberta, ne se donne pas. Il faut aller le chercher au prix de techniques coûteuses, dangereuses pour la santé des Premières Nations vivants sur ces territoires, et extrêmement polluantes. Ce qui en fait le pétrole le plus « sale » au monde.
Non, je vous rappellerai simplement que depuis le printemps dernier, nul ne peut ignorer la dangerosité des plates-formes de forage en haute mer. Parce que dans le golfe du Mexique, s’ils ont du pétrole, ils ont aussi et surtout leurs yeux pour pleurer…
Vous pouvez retrouver cette chronique ainsi que les liens vers les sources que j’ai citées sur mon blog laureleforestier.com avec en prime des bonus photos et vidéos. A mercredi prochain pour une nouvelle chronique et d’ici là, gardez les yeux et les oreilles ouverts et achetez vous des bonnes chaussures ou mettez vous au vélo !
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