Beaucoup de sinistrés au lendemain des bombardements d’avril,
mai et juin. On s’organise comme on peut pour leur venir en aide.
A part mes parents
et moi qui habitions près de la place des Chartreux, toute ma famille a du être
relogée, parce que les grands-parents, les oncles et tantes, pour certains d’entre
eux, ont été de nouveau sinistrés, ils ont été relogés dans des maisons de
nouveau bombardées. Si bien que j’ai connu mes grands-parents maternels assujettis
pendant un an à trois logements ! On leur attribuait des maisons vides ou
des appartements vides, ou bien l’on réquisitionnait d’autorité une partie d’une
grande maison déjà occupée… André, 13 ans.
En mai, le Maréchal Pétain entreprend une tournée de
propagande dans les villes sinistrées de Normandie. Le 14 mai, il arrive à Rouen
en milieu de matinée où il est reçu par le Préfet et le Maire, à l’époque René
Stackler, depuis la démission forcée de Maurice Poissant. C’est le jour de la fête
Jeanne d’Arc. Au Vieux Marché, le Maréchal, qui avait inauguré la statue de Jeanne
d’Arc en 1928, dépose une gerbe de fleurs. Il assiste ensuite à un office
célébré dans Saint-Ouen. Il signe enfin le livre d’or de la Ville. Cette page du
livre a par la suite été escamotée, on ne l’a jamais retrouvée.
Les Allemands et le gouvernement de Vichy utilisent le bombardement de la place du Vieux Marché le 31 mai, pour les besoins de leur propagande contre les Alliés. Les murs de la ville sont alors recouverts d’affiches où l’on voit une Jeanne d’arc au milieu des flammes, en arrière plan la cathédrale et cette phrase : Les assassins reviennent toujours … sur les lieux de leur crime.
Le mardi 6 juin
avait lieu le service religieux pour l’ensemble des victimes du Crédit Lyonnais,
à l’église Saint-Patrice, du côté des boulevards. Le matin, sur le poste de TSF
– que nous n’avions pas donné au ramassage -, j’ai entendu sur Radio-Londres que
le débarquement venait de commencer. Et le souvenir que j’en garde – c’est
bizarre, parfois on s’accroche à un petit détail -, c’était que les opérations
étaient menées par un général américain au nom imprononçable, étant donné qu’Eisenhower,
quand on l’entend pour la première fois, on ne voit pas du tout comment ça s’écrit…
Pour beaucoup de gens, ce n’est pas que les souffrances allaient s’arrêter, il
allait y en avoir bien d’autres encore, mais c’était ce que tout le monde attendait
depuis presque 4 ans, depuis quatre longues années. Mais le 6 juin, pour nous,
c’était aussi l’enterrement de nos parents. Jacques, 12 ans.
Le premier V1 est tiré depuis la forêt Verte dans la nuit du 15 au 16 juin. Les Allemands ont installé 80 bases de lancement de V1 en Seine Inférieure. Plus de 80% de ces engins éclateront en cours de route provoquant ainsi des dégâts dans la région.
Les V1, on les
voyait passer en direction de l’Angleterre avec leurs torches au derrière, ils
faisaient un bruit tout à fait particulier, un bruit de moulin à café… Je me
souviens en avoir vu qui d’un seul coup, je ne sais pas comment ils étaient
guidés – par un gyroscope ou quelque chose du même genre ? -, le système
de guidage se déréglant, se mettaient à tourner. Ils vous passaient dessus, une
fois, deux fois, trois fois, puis vous attendiez qu’ils tombent. Alors le V1
tombait quand il était à court de carburant – on dosait précisément le
carburant en fonction de la distance entre la piste de lancement et Londres. Eh
bien, nous pouvions à peu près calculer au bout de combien de temps ils
allaient nous tomber dessus. Alors ils tombaient où ils pouvaient, c’étaient en
fait des bombes volantes, mais ils faisaient un bruit très particulier,
poppoppoppopp, et ils partaient vers le nord, le nord-ouest du département. Ce bruit,
on me le ferait entendre parmi mille bruits, je le reconnaîtrais tout de suite. Ginette, 8 ans.
Le 22 juin, alors que la bataille de Cherbourg est
commencée, les bombardiers lourds américains reprennent leur action dans notre
secteur. Rouen, Quevilly, Grand-Couronne, Malaunay, Le Houlme et Houppeville
reçoivent 400 bombes et comptent 40 morts, 35 blessés et plusieurs disparus. Dans
l’abri des Ponts et Chaussées construit entre la rue de Fontenelle et le
boulevard des Belges, on relève 22 morts. Rive gauche, les places Carnot et
Bonne-Nouvelle, l’avenue Jean Rondeaux, le boulevard d’Orléans ne sont pas
épargnés.
Incroyable cette affiche avec Jeanne D'Arc, je ne connaissais pas... et ces témoignages très émouvants et très vivants également, parfois on a le sentiment d'y être...
Merci pour ces pages d'histoire
Rédigé par : Florence | 22 avril 2008 à 23:26
On peut voir une vidéo de l'office à Saint-Ouen, en présence de Mgr Petit de Juleville, sur le site de l'INA, ainsi que plusieurs vidéos de propagande pétainiste réalisées après les bombardements à Rouen et dans d'autres villes.
Rédigé par : Noisette | 04 mai 2008 à 14:00