Véhicule blindé semi-chenillé tractant un obusier. Malgré le camouflage de
feuillages, les jeunes soldats allemands scrutent le ciel dans la crainte d’une
attaque aérienne. [1]
La bataille de Normandie, menée depuis le 6 juin en Basse
Normandie se termine le 20 août 44 avec l’encerclement de la poche de Falaise. Les
troupes allemandes se retirent et refluent vers l’est. Pour cela elles doivent
franchir la Seine. L’état-major
allemand a recensé 60 points de franchissement. 50 000 hommes et 13 000
véhicules traversent le fleuve dans le secteur de Rouen. Pour cela, ils
utilisent les bacs de Petit-Quevilly et Grand-Quevilly. Le 25 août, celui de Grand-Quevilly
est bombardé et celui de Petit-Quevilly est inutilisable pour cause d’encombrement
monstre. Deux autres bacs sont également en service à Petit-Couronne et Grand-Couronne.
Passage des éléments de la 9e Panzer SS Division au bac de Petit-Couronne.
Le viaduc d’Eauplet, bien qu’endommagé permet le passage
de mille véhicules par jour.
Passage sur le pont d’Eauplet [1]
Quand l’attente est trop longue, certains n’hésitent pas à
se risquer sur des embarcations de fortune. [1]
Le 25 août, les troupes alliées ont franchi la Risle et atteint la Seine à Quillebeuf. Les
kommandanturs de Rouen commencent à brûler leurs archives dans le jardin de l’Hôtel
de Ville. Déjà, des éléments de l’armée Von Kluge, rescapés de la poche de
Falaise, commencent à affluer rive gauche. Ils ont vite fait d’encombrer l’avenue
de Caen et les autres voies qui mènent à la Seine. Ils ont été attirés en
cet endroit selon un plan combiné et avec l’aide de la Résistance qui avait
changé les pancartes indicatrices. Les Allemands croyaient se diriger vers
Vernon. Ils s’entassent à proximité des quais toute la nuit et toute la
journée.
Rouen, quais rive gauche. Chars Panzer en attente du
franchissement de la Seine.
[1]
Certains tentent de s’embarquer sur des radeaux conduits
par des chevaux à la nage. Le résultat est dérisoire. Un avion patrouilleur
anglais observe toute cette armée en déroute pendant la journée et s’éloigne à
la fin de l’après-midi. Depuis la place Carnot, sur plusieurs kilomètres de
quais et dans les voies adjacentes, c’est un embouteillage indescriptible dont
il n’est plus possible de sortir. A 19h15, une escadrille arrive et déverse
toute sa provision de bombes explosives et incendiaires. Le feu se communique
et tout saute.
Bombardement des quais rive gauche au soir du 25 août. [1]
Les restes de l’armée Von Kluge, des milliers de soldats
allemands périssent cette nuit là le long du fleuve. Pendant des semaines, les
quais sentiront la charogne.
Pour les Allemands qui ont voulu partir, c’est le lendemain matin que je les ai retrouvés quand je suis arrivée au travail. Alors là, tout le bas du boulevard des Belges était un monceau de camions, de chars, de tout, tout enchevêtré avec les gars qui étaient à leur volant ou… Et dans le bas du boulevard des Belges, au 22 boulevard des Belges, un Allemand avait voulu se mettre à l’abri contre le mur et il s’est trouvé tué… Il était encore resté debout, il était mort mais encore debout. Il n’était pas tombé…. Il était prêt à partir, il avait emporté sa petite musette sur le dos… Il y avait une flaque de sang qui est restée sur le mur, longtemps, longtemps, je l’ai vue. J’y pense à chaque fois que je passe par là, je le revois. Réjane, 16 ans. [2]
Vue générale des quais rive gauche après le bombardement. [1]
Quelques jours après ce bombardement du 25 août, j’ai eu l’occasion avec d’autres camarades – parce que nous passions toujours notre temps dehors, toujours en quête de nourriture, voire de bois car nous ne trouvions pas de charbon à l’époque -, d’aller faire un tour sur les quais rive gauche. Je me souviens d’avoir emprunté un pont, ce devait être un pont de bateaux, et nous sommes allés nous promener dans toutes ces carcasses de véhicules militaires qui étaient détruits. Il y avait d’ailleurs une vilaine odeur qui s’en dégageait, mais nous nous sommes fait chasser par des gens qui étaient là, qui nous ont dit que c’était dangereux. C’est certainement vrai, mais eux, je me pose maintenant la question, que faisaient-ils là ? A mon avis, ce devait être des charognards… Jean, 9 ans. [2]
[1] : Rouen sous l’occupation Patrick Coiffier
photos Bundesarchiv
[2] : Tous les témoignages sont extraits de Rouen,
mémoires 44. L’âge des témoins est celui qu’ils avaient en 1944.
les photos sont d'une qualité assez incroyable... et les témoignages..toujours aussi poignants...
Rédigé par : Florence | 23 avril 2008 à 20:46
euh...juste une question : j'ai lu que le viaduc d'Eauplet était inutilisable à partir du 25 mai 1944... réparation de fortune ensuite?
Rédigé par : Florence | 23 avril 2008 à 20:49
@ Florence : A voir les photos, une chose est sûre, c'est que le viaduc était inutilisable pour les trains et pour les véhicules, cela n'a pas l'air trop évident !
Rédigé par : Laure | 25 avril 2008 à 17:18
Maginfique travail Laure!
J"apprécie autant la qualité du texte que celle des photos!
Bravo!
Rédigé par : bibifa | 25 avril 2008 à 19:41