Il y a une bonne dizaine d’années de cela
maintenant, je visitais une ferme installée dans un cadre
idyllique près de Lisieux. Une ferme qui avait acquis toutes les dernières
merveilles de la technologie pour l’appliquer à l’élevage laitier. Et de fait,
les bestioles étaient assez décontractées du pis. Elles étaient libres de leurs
allées et venues dans l’étable et la cour attenante. Equipées d’un collier
électronique, les vaches se dirigeaient tranquillement vers un distributeur
d’aliments qui, grâce à un système de reconnaissance, distribuait la dose de
nourriture répondant aux besoins individuels de la bête (programme alimentaire
mis au point j’imagine par une sorte de vétérinaire diététicien). Une tension
désagréable au niveau des mamelles ? Hop ! La laitière se faisait
soulager par un appareil entièrement automatisé, nul besoin d’intervention
humaine pour se faire traire. En quelque sorte, « la traite quand je veux,
si je veux ! ». Le revers de la médaille de ce paradis bovin, est qu’il
valait mieux répondre à des critères standards, des pis trop longs ou trop
courts ou toute autre malformation les chassant irrémédiablement de l’Eden vers
l’Enfer, en l’occurrence, l’abattoir.
Ce que l’on appliquait à nos vaches, on
peut désormais l’appliquer à nos vieux. Ce matin, je découvre sur le blog de Skalpa
ce lien vers un communiqué de l’AFP :
LILLE
(AFP) — Les fugues répétées de résidents atteints de la maladie d'Alzheimer ont
amené une maison de retraite lilloise à s'équiper
de bracelets-montres électroniques, un dispositif de surveillance et de
suivi médical pionnier en France.
"C'est
très sécurisant pour le personnel et pour les résidents", explique,
enthousiaste, Mireille Wascat, infirmière référente et responsable de
l'établissement Gilbert Forestier, à Lomme, commune associée à Lille.
Le
bracelet-montre gris, désormais porté par la quasi-totalité des 55 résidents
après avoir été introduit en 2003, déclenche
le verrouillage de la porte de l'établissement dès qu'un pensionnaire s'en
approche. Il comporte également des capteurs qui alertent les personnels
médicaux sur certaines anomalies de santé.
Si un
bouton permet aux patients d'appeler les infirmières, la montre prévient automatiquement le personnel en cas d'inactivité
totale (perte de connaissance, malaise), d'hypothermie ou lorsque le bracelet est retiré, selon Olivier Bessieres, directeur
commercial de Vivago, l'entreprise finlandaise qui a mis au point le
dispositif.
Le
bracelet envoie, via une demi-douzaine de bornes électroniques, un signal vers
un ordinateur qui renseigne le personnel soignant par téléphone. Il déclenche
également une alarme lorsque l'état de son détenteur se dégrade par rapport aux
deux semaines précédentes.
"L'analyse
des données est importante pour le médecin", selon Mireille Wascat, selon
laquelle le bracelet permet par exemple d'évaluer la qualité du sommeil, lors d'une nouvelle prescription de somnifères.
"C'est
surtout une aide pour éviter que les gens ne se mettent en danger", estime
Claude Tailleur, médecin coordonnateur de la maison de retraite, qui retient
"la possibilité d'intervenir immédiatement en cas de chute".
Les résidents, eux, "ne sont pas du
tout réticents, mais ne comprennent pas tous", reconnaît Annick Lapierre, directrice du centre
communal d'action sociale, à l'origine du projet.
L'établissement
Gilbert Forrestier compte en effet 80% de personnes atteintes de la maladie
d'Alzheimer, 10% atteints de démence psychiatrique, et seulement 10% de
personnes autonomes.
D'où
le risque qu'encouraient les pensionnaires de se retrouver dans la rue,
désorientés, "un stress permanent pour les équipes, car nous avions peur
qu'elles ne se fassent écraser par une voiture ou ne retrouvent pas leur
chemin", explique Mireille Wascat, mentionnant "au moins une fugue
par jour" dans le passé.
Malgré
le coût d'installation du dispositif, qui avoisine les 40.000 euros pour un
établissement complet, un autre centre d'hébergement lillois pour personnes
âgées dépendantes doit être entièrement équipé à la rentrée 2009.
Sophistication technologique et déshumanisation, on vit une époque formidable !
"des pis trop longs ou trop courts ou toute autre malformation les chassant irrémédiablement de l’Eden vers l’Enfer, en l’occurrence, l’abattoir.
Ce que l’on appliquait à nos vaches, on peut désormais l’appliquer à nos vieux. "
Tu veux dire que si les vieux n'ont pas de bras, on les pique ? J'ai bien tout compris ?
Rédigé par : SB | 23 mai 2009 à 11:22
La maladie d'Alzheimer est quelque chose de terrible. Je peux en témoigner personnellement car ma tante (la seule qui me reste par ailleurs) en est atteinte, à un stade qui commence à être avancé. Il y a des moments de lucidité, ... et il y a aussi des moments de réelle démence. Cette personne, ma tante, a effectivement déjà fait des "fugues" hors de son domicile où son mari (je vais être franc, de nature, ce n'est pas spécialement un tendre... et ce n'est sûrement pas le meilleur "accompagnateur" pour ce type de pathologie) la prend en charge tant bien que mal. Il paraît qu'elle est méconnaissable, je ne sais pas parce qu'honnêtement je n'ai pas le courage d'aller la voir... Lâcheté de ma part, je le reconnais volontiers.
Il y a aussi lors de crises passagères énormément d'agressivité. Ma mère, qui est sa soeur unique, en a déjà fait les frais, heureusement uniquement téléphoniquement: insultes et menaces en tout genre alors que les 2 s'adoraient auparavant...
Tout ça pour dire qu'Alzheimer, c'est une véritable "saloperie", une maladie à prendre très au sérieux, comme toute pathologie touchant le cerveau, ... et que personnellement, dans l'intérêt du patient lui-même, et dans celui des autres, le bracelet électronique ne me choque pas.
Rédigé par : JF le démocrate | 23 mai 2009 à 21:22
Sinon, pour compléter mon propos, parce que je pense que ma tante était (parce qu'aujourd'hui elle n'est plus ce qu'elle était, et cela ne lui est nullement imputable) une personne qui humainement était assez "exceptionnelle", je tiens simplement à signaler que pour éviter les fugues, mon oncle est obligé de l'enfermer à clé dès qu'il s'en va... Personnellement, je prèfère - une fois encore - le bracelet électronique. Ceci n'est bien entendu qu'un témoignage personnel.
Rédigé par : JF le démocrate | 23 mai 2009 à 21:43
Quelle honte et quelle abjection que ce "billet".
Pour qui a été, est ou sera confronté à cette terrible dégénérescence qu'est la maladie d'Alzheimer, pour qui, chaque jour dans la terrible réalité des "cantous", s'occupe de ces pauvres gens, faire un parallèle entre ces malades et les vaches normandes est tout simplement immonde.
C'est du Dieudonné dans le texte.
Au moins lui affiche-t-il clairement ses opinions.
Bien sûr que tout ce qui permettra de mettre ces pauvres gens en sécurité est une bénédiction.
Et merci à la technique qui permettra à toutes celles et ceux qui oeuvrent souvent exploités dans cet obscur monde des maisons de retraites d'avoir un minimum de confort de travail.
Ma première confrontation avec cette maladie, c'était Rue Saint Jacques à Paris en 1993.
Tout le personnel de la maison de retraite cherchait Madame ...
Nous avons fini par la retrouver errant dans le parc Montsouris, après bien des heures..
Chien perdu sans collier, direz vous.
Pardon, je suis vache.
Rédigé par : Patrick ROBERT | 23 mai 2009 à 22:38
@ Patrick Robert: je comprends votre réaction, peut-être un peu épidermique, en regard du billet de Laure. Néanmoins, je voudrais vous rappeler que Laure n'a pas spécialement dans son billet décrié les méthodes destinées - hélas il faut bien le dire, à maitriser les patients atteints de la Maladie d'Alzheimer -, même si je suis en total accord avec vous sur cette nécessité.
Certes, la comparaison avec les vaches normandes peut faire sursauter, mais je crois que quiconque n'a jamais été personnellement en contact avec cette terrible maladie, ne peut tout simplement pas comprendre. Pour ma part, il aura suffi d'un appel téléphonique de ma tante à ma mère - qui avait mis le haut-parleur-, pour que je sois BOULEVERSE (et c'est un moindre mot) pour une journée entière... C'est alors que j'ai compris la détresse absolument terrible qui anime ces patients, c'est aussi alors que par lâcheté j'ai décidé de ne plus rendre visite à ma tante...
Je crois que qui n'a pas vécu ça ne peut tout simplement pas comprendre.
Rédigé par : JF le démocrate | 23 mai 2009 à 23:23
Visiblement j'expérimente la phrase de Desproges, "on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui"....
Mal exprimé sans doute, mon propos n'est évidemment pas sur Alzheimer ou un quelconque parrallèle avec des vaches. Que cette maladie soit un drame pour les proches du patient, je le crois volontiers.
C'est juste que je constate un peu plus chaque jour la déshumanisation. Alors un bracelet électronique pour un malade souffrant d'Alzheimer est peut-être plus simple pour l'entourage, je vois venir derrière, mais je suis peut-être trop parano un traitement appliqué à terme dans toutes les maisons de retraite. Tous les vieux ne souffrent pas d'Alzheimer.
Je déteste cette époque où les gens vivent trop vieux, où leurs enfants s'en déchargent dans des établissements spécialisés, où finalement l'institution remplace le lien humain partout.
Et pour mes angoisses, je n'ai encore rien trouvé de mieux que l'humour noir pour les repousser...
Rédigé par : Laure | 24 mai 2009 à 09:54
Consolez vous: ça n'avait échappé à (presque) personne. C'est la rançon de votre prestige: quelques personnes vous attendent à chaque tournant, pfft. On a peur pour vous.
Rédigé par : Ghost | 24 mai 2009 à 13:14
Complètement d'accord avec vous sur la célèbre phrase du génial Desproges.
Rédigé par : Patrick ROBERT | 24 mai 2009 à 14:49
Ceci dit, ce n'est pas de la Ferme en question que sortent les meilleurs fromages de la région, aussi pédagogique et intéressante soit-elle à visiter, notamment avec des enfants...
Rédigé par : SB | 24 mai 2009 à 20:37
Bonjour,
@Laure,
ce billet est très interssant. Il démontre une vérité de notre système actuel
L'électronique laisse la place à l'entraide. Ma voisine a cette maladie. C'est assez difficile pour elle car des pétitions se balladent pour la faire placer. Or, quelques voisins se mobilient pour l'aider pur une meilleure autonomie.
Délicat que tout cela......Je ne connaissais pas cette pathologie avant cela..du moins je n'avais que des infos parcellaires.
Par exemple, je savais pas que les personnes en souffrance de cette maladie oubliaient leur "errement" lorsqu'elle reprenaient le controle de leur mémoire.
Je partage l'avis de Laure. Aucun système sophistiqué électronique ne pourra remplacer l'humain dans la comprhension et l'accompagement d'une personne en dangers. est-ce qu'on met des bracelets électroniques à un enfants de 3 ans ?
Franchement, il y a de quoi se révolter effectivement.
Mais, Laure, tout cela n'est-il pas le fruit aussi de cette société de consommation où nos ne sommes que des produits destinés à soutenir une logique ultra libérale pour des intérêts personnels?
Bref, Nous critiquons facileent les 35 heures et ses soit-disnt "méfaits" mais nous oublions trop souvent de mettre l'accent sur ces politiques de tratement de l'humain laissées à la merci d'une ..."intelligence artificielle" (si on eut appeller cela "intelligence")
Rédigé par : Fredquillet | 25 mai 2009 à 00:22