Laissez-moi vous conter une
histoire qui pourrait fort bien démarrer avec la phrase introductive de chaque
billet de Diner’s room : Dans ce monde où la corruption des valeurs
morales étend chaque jour son empire…
Or donc, imaginez une gentille bourgade d’un peu moins de 20 000 habitants, traversée par une rivière et bordée par une forêt. Cette aimable cité, qui s’illustra à la fin des 70’s par une autogestion toute inspirée du souffle de mai 68, est aujourd’hui dirigée par un maire qui mène là son troisième mandat. Il est également président de communauté d’agglomération mais, comme vous le savez, ceci n’est pas comptabilisé dans les cumuls électifs.
Notre édile coule ainsi des jours heureux auprès de ses administrés, épaulé par sa compagne, elle-même adjointe de la commune et vice-présidente de l’agglomération que son cher et tendre dirige. Jusqu’en 2008, notre bon maire était également conseiller général. Mais une méchante manœuvre de ses alliés (par intermittence) socialistes contraria sa réélection au profit du candidat de la droite, pourtant largement minoritaire dans ce canton. Vous n’imaginez pas le manque à gagner !
C’est ainsi qu’à l’occasion des élections régionales, la brouille avec les socialistes s’estompa, la hache de guerre fut enterrée et le premier magistrat put obtenir une place de conseiller régional sur la liste de ses meilleurs ennemis. Las ! Imaginez donc que le législateur, dans son infinie cruauté, a, depuis 1992, limité le montant cumulé des indemnités d’élus à la ridicule somme de… 8165,42 euros bruts par mois. Or l’indemnité brute perçue au titre de conseiller régional qui s’élève à un peu plus de 1800 euros mensuels venait exploser ce plafond misérable. Notre nouveau conseiller régional allait devoir subir un écrêtement de 1425 Euros. Il n’était pas question de gâcher tout ce bel et bon argent et par exemple, baisser d’autant son indemnité de maire, économisant ainsi quelque vingtaine de milliers d’euros par an à sa commune. Car fort heureusement le législateur, qui se souvient toujours à temps, qu’il est souvent lui aussi élu local et cumulard, a introduit cette petite finasserie qui permet à l’élu concerné d’éventuellement désigner le ou les bénéficiaires de la part écrêtée mais selon le III de l’article L. 2123-20 précité, le reversement de cette part ne peut être effectué que sur délibération nominative du conseil municipal.
L’affaire fut menée tambour battant et trois mois après les élections, le conseil municipal de la petite ville approuva une délibération qui permettait le reversement de ces 1425 euros frappés d’écrêtement à la compagne du maire. Les revenus du ménage étaient sauvés !
Il y eut bien quelques esprits chagrins pour s’opposer à ce vote, les conseillers d’opposition toutes tendances confondues, UMP, PS et NPA et l’on reconnaît bien là leur mesquinerie ! Car enfin, la défense de l’intéressé est imparable, permettez-moi de vous la dérouler pour que vous puissiez en juger par vous-même :
Certes ce n’est pas l’usage courant mais c’est légal donc c’est autorisé ! Il y a un précédent illustre, celui du couple Balkany.
"J'ai souhaité être
totalement transparent, alors qu'en règle générale les élus prennent des hommes
de paille. J'aurais ainsi pu attribuer le surplus à un autre élu qui me
l'aurait restitué."
Cette vertu l’honore ne trouvez-vous pas ?
"Avant d'entrer en
politique, j'étais cadre supérieur. Si j'étais battu, je n'aurais aucun filet
de sécurité car on ne cotise pas aux Assedic. Mettre un peu d'argent de côté,
c'est normal." Il est exact qu’avant 1994, date à laquelle
il décide de donner son corps à la politique, notre élu travaillait dans un hebdomadaire
local et nul n’ignore que les salaires y sont mirobolants… De même que tous les
cadres supérieurs quinquagénaires du privé rendent grâce à Dieu de l’excellent
filet de sécurité qui les protège du harcèlement moral, de la pré-retraite et
du licenciement.
"J'en ai marre de cette
démagogie qui s'abat sur les élus dont la plupart sont intègres et ne
travaillent pas pour l'argent. " En effet, on ne dénoncera jamais assez cette broyeuse
populiste qui s’abat sur nos malheureux élus.
D’ailleurs la presse locale, bien avisée, ne s’et pas commise dans ce
piège puisque jusqu’à présent l’info a juste bénéficié d’un entrefilet dans les
pages politiques de notre excellent quotidien régional. Tous ceux qui ne lisent
pas l’édition papier de l’Eure n’en
sauront pas plus à moins de faire partie des 55 abonnés en ligne.
Pourquoi ces illustrations d’Asterix agrémentées de citations latines me demanderez-vous ? Mais pour saluer les talents de latiniste de cet excellent collègue qui siège avec moi sur les bancs de la majorité du Conseil Régional. Et surtout, amis lecteurs, n’oubliez pas, le premier degré peut tuer des chattons !
Chère Laure,
Pourquoi vous autocensurer ?
Monsieur le Conseiller Régional-Maire-Président de Louviers ayant obtenu que le Maire de Val-de-Reuil retire sa plainte contre lui (ce qui lui permet d' échapper à un nouveau procès en correctionnelle !) je doute fort qu'il ose vous traduire en justice, en vous donnant ainsi l'occasion de prouver publiquement vos dires !
Propos incontestables, sauf quand vous saluez les talents de latiniste de Franck Martin, dont le seul titre universitaire est d'être titulaire du grade de bachelier !
En 2007, il me souvient d'avoir échangé avec lui, par courriels, diverses stances latines, mais son "savoir" en ce domaine se limitait à l'ânonnement des pages roses d'un vieux Larousse !
"Doctus cum libro" notre Frankie !
Lorsque vous écrivez, chère Laure : "Cette aimable cité, qui s’illustra à la fin des 70’s par une autogestion toute inspirée du souffle de mai 68, est aujourd’hui dirigée par un maire qui mène là son troisième mandat.", vous faite référence au père de votre "héros" le Docteur Ernest Martin qui, en effet, en 1968 organisa un service de cars pour relier la Ville de Louviers à la Sorbonne et à l' Odéon et permette ainsi à ses administré(e)s de participer à la "Révolution parisienne".
Votre Frankie doit toute sa carrière politique à son glorieux Père, aujourd'hui tristement oublié de tous, même de mes "camarades" du Parti dit Socialiste !
Très amicalement,
Alain Rey-Hartmann,
Rédigé par : Leblogdalainreysocialistelibredeleure.blogspot.com | 04 juillet 2010 à 15:23
@Alain,
Tout est à prendre au second degré y compris mes compliments sur le latiniste :-)
Rédigé par : Laure Leforestier | 04 juillet 2010 à 16:35
Si on cherche bien on trouvera un édile qui aura le "courage" de trouver là la solution pour apaiser le stress des récalcitrants au cumul des mandats : il n'y a qu'à introduire dans la future loi le droit de transmettre l'écharpe ou la présidence au conjoint ou aux descendants. Non?
Rédigé par : Claude Taleb | 05 juillet 2010 à 22:55
Oui, c'est une idée. Il n'y a pour cela qu'à suivre les façons de faire du show-biz qui propulse fils et filles "de" sur les traces dorées de papa/maman.
Puisque de toutes façons voter n'intéresse plus grand monde et que les talents se forgent à la force des campagnes de promotion, autant simplifier tout ça. Ainsi, les Français pourront se concentrer sur leur travail au lieu d'emmerder les élites qui œuvrent à leur bonheur avec tant de désintéressement.
Rédigé par : Le Major | 06 juillet 2010 à 13:52
J'espère que cette loi s'applique à tous, ainsi un banquier pourrait refuser une belle prime pour sa femme et ainsi montrer au peuple qu'il compatit pendant la crise...
Rédigé par : Legrandvillage | 20 juillet 2010 à 23:36