Bonsoir Manu, bonsoir Malik, bonsoir à vous toutes et tous, auditrices et auditeurs d’HDR. Ce soir, c’est notre 2e rendez-vous sur l’antenne du Tchatcho dans la chronique du Speedball pour les accrocs de la politique et d’internet. Nous allons évoquer l’actualité à venir, à savoir le rendez-vous traditionnel de ce 3e week-end de septembre et des Journées du Patrimoine. Mais avant de vous parler du programme de ces journées et de vous recommander quelques visites, laissez-moi vous entretenir de Joyeuse et de bijoux de famille…
Il existe en plein cœur de notre bonne ville de Rouen des oasis de verdure, des lieux exceptionnels tant par la qualité des bâtiments qu’ils contiennent que par les jardins qu’ils abritent. Le quartier Saint-Nicaise, quartiers de couvents situé juste au dessus des jardins de l’Hôtel de Ville, possède encore quelques uns de ces trésors. Avez-vous jamais visité l’ancien couvent des Dominicains, aussi appelé le couvent des Gravelines, au 24 rue de Joyeuse ? Il appartient à l’Etat depuis 1998 et pourtant, navrée de vous décevoir, il ne sera pas accessible à la visite ce week-end. Mais l’histoire récente du lieu mérite que nous nous y intéressions.
Mon récit commence en 1997, quand les précédents occupants, des frères dominicains, cèdent à l’Etat cette parcelle de près de 6000 m2, face au lycée Corneille et qui comprend des bâtiments conventuels et un immense jardin. Un magnifique patrimoine qui bénéficie d’ailleurs d’une protection des Monuments Historiques. Quand les moines vendent ce couvent installé là depuis 1606, ils souhaitent que le lieu reste intact et protégé et ont d’ailleurs refusé toutes les offres émanant de promoteurs immobiliers. Ils en ont l’assurance puisque le ministère de la Culture compte y installer l’ensemble de ses services décentralisés en région, plus communément appelés la DRAC pour Direction Régionale des Affaires Culturelles. La vente s’effectue en janvier 1998 pour la modique somme de 8 millions de Francs, soit l’équivalent d’1, 2 million d’Euros. Le projet est de restaurer les bâtiments en préservant l’existant et en l’aménageant pour y installer les fonctionnaires. Petit détail qui a son importance tout de même, la facture des travaux prévus s’élève à 11,5 millions d’Euros !
La majesté du site flattait sans aucun doute l’égo du directeur régional qui s’y voyait déjà puisque les papiers à en-tête et autres documents de la DRAC donnaient la future adresse rue de Joyeuse alors même que les services culturels étaient toujours basés à la cité administrative. Le nom de la rue de Joyeuse aurait suscité quelques remarques facétieuses chez les correspondants du DRAC, honni soit qui mal y pense ! Aussi, comme tout bon haut fonctionnaire ne doutant pas un instant de ses prérogatives ni de ses privilèges, le directeur demanda à la Ville de modifier le nom de cette rue qui à ses yeux, avait le désavantage d’évoquer certaines parties de l’anatomie masculine. Ce qui fut fait sans aucune consultation des riverains ni du conseil municipal et à l’été 2009, les habitants découvrirent à leur grande surprise le nouveau nom de la rue devenue rue du cardinal de Joyeuse. Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’indignation laïque et démocrate de l’association du quartier. 24 heures plus tard, les anciennes plaques étaient revenues et la rue avait retrouvé son nom de Joyeuse. Ce qui n’est pas plus cocasse que la rue voisine qui s’appelait au XVIIe siècle la rue de la Levrette !
On peut être choqué que le ministère de la Culture ait envisagé un moment de déclencher près de douze millions d’Euros de travaux pour loger quelques dizaines de fonctionnaires au moment où les crédits se font rares pour financer la restauration du patrimoine. Et l’on pourrait se réjouir de savoir que ce projet a été définitivement abandonné, les services de la DRAC étant désormais installés dans la préfecture de Région. Voilà des économies bien trouvées en cette période d’Etat impécunieux.
C’est aussi dans un souci d’économies et de restriction de son train de vie que l’Etat vend une partie de ses biens immobiliers. Si le projet est louable en soi, il l’est moins en ce qui concerne la vente du patrimoine culturel. Ce patrimoine fait appel à l'idée d'un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures. On dépasse donc largement la simple propriété personnelle, il relève du bien public.
Or, ce fameux couvent des Gravelines dont je vous parlais est aujourd’hui à vendre. Sur le site du ministère des Finances, il est présenté comme un bien exceptionnel, à caractère historique, situé en centre ville de Rouen, avec droits à construire. Ces droits à construire laissent subodorer qu’une bonne partie des jardins disparaîtra sous l’enthousiasme des bétonneurs.
A condition bien sûr de présenter les garanties financières suffisantes, tout le monde peut candidater jusqu’au 4 novembre. Quels seront les critères de choix ? Prioritairement la proposition financièrement la plus avantageuse. Aucun critère qualitatif. Au plus fort la pouque comme on dit dans le pays de Caux… Et c’est bien là qu’est le vrai scandale. Les candidats à la propriété n’auront rien d’autre à fournir que la preuve de leur solvabilité et l’offre d’une somme rondelette. Qu’importe le projet qui pourrait émerger, seule la monnaie compte. Accessoirement, je suis prête à parier que le prix de vente de cette parcelle rouennaise de 6 000 m2 sera bien supérieur aux 2,5 millions Euros, fruits de la vente sans appel d’offres des 58 hectares de l’hippodrome de Compiègne…
Pour terminer cette chronique, je voudrais vous conseiller quelques visites pour ces journées du Patrimoine. J’ai bien feuilleté le programme rouennais et je regrette d’y voir très peu d’animations proposées sur les Hauts de Rouen. immeubles Verre et Acier de Marcel Lods à la Grand Mare, samedi à 10h30. Petit détail agaçant, en 2008, cette visite des Verre et Acier avait été interdite par l’adjoint à l’urbanisme. Mais pourquoi donc, me demanderez-vous ? Mais pour mieux les détruire mon enfant…
Je vous invite à deux autres balades : l’architecture de l’entre deux guerres à Rouen dans le quartier de la Gare où vous pourrez en passant verser une larme sur le décor année 30 de la pâtisserie Meïer vendu aux enchères la semaine dernière. Et si la disparition des croissants à la framboise vous colle les boules, vous pourrez toujours vous remonter le moral avec la promenade scatologique menée par Patrice Quéréel de la fontaine Saint-Maclou aux toilettes publiques Marcel Duchamp. De nos deux angelots Manneken-Pis rouennais à l’urinoir, nul doute qu’il sera encore question de valseuses !
Vous pouvez retrouver cette chronique ainsi que les liens vers les sources que j’ai citées sur mon blog laureleforestier.com . A mercredi prochain pour une nouvelle chronique et d’ici là, gardez les yeux et les oreilles ouverts et profitez bien de notre patrimoine tant qu’il est encore là.
N.B. : certains articles de Paris-Normandie en lien étant uniquement réservés aux abonnés, ma source sur l'anecdote des "Joyeuses" Provient d'un article d'Arnaud Faugère. Il m'a également procuré d'autres articles parus dans Liberté Dimanche, qui malheureusement, sont introuvables en ligne. Qu'il en soit remercié !
Par P'tit Pat' Rouennais
http://www.ptit-pat-rouennais.fr
Paris Normandie du 29-07-2010 "Histoires d'eau" :
Une fontaine facétieuse Place Barthélémy, contre l’église St Maclou, une première fontaine au débit insuffisant pour la population du quartier, avait été édifiée au tout début du 16e siècle, à quelques mètres de la fontaine actuelle en pierre de Vernon, qui la remplaça vers 1540. Bien sur, tous les Rouennais et les visiteurs étrangers à la cité ont remarqué deux petits bonshommes malicieux remplissant à leur manière la vasque inférieure. Mais qui a copié sur qui ? Si le « Manneken Pis » bruxellois en bronze est daté de 1619, son petit frère et ancêtre belge en pierre, le « Petit Julien » serait né en 1388. En France, au château de Fontainebleau, dans la Grande Galerie François 1er dont le plan fut établi en 1528, on trouve un décor stuqué de même inspiration, en vogue à l’époque. Comme l’écrivait Georges Dubosc à propos des Manneken-Piss et fontaines ubérales : « Nos aïeux ne se formalisaient pas pour si peu et il n’y a pas, pour ainsi dire, de vieilles villes françaises où l’on ne retrouve, au coin d‘un monument, quelque gaillardise plaisante dont ne s’offusquait pas leur bonne humeur tolérante. » Contrairement à une idée répandue, le décor séduisant de ce petit monument qui mêle des éléments profanes et sacrés, n’est pas à attribuer à Jean Goujon (qui travailla à l’église St Maclou en 1541), mais au fontainier Pierre de Maystre. Au centre, un motif aujourd’hui effacé a pu représenter le baptême du Christ, tandis qu’un mascaron à tête de faune fait toujours office de troisième jet d’eau. L’ensemble décoré d’angelots et de grappes de fruits est agrémenté sur les côtés par les « Manneken Pis » nus et joufflus. Patrimoine en péril Bien que la fontaine ait été restaurée de 1975 à 1977 et délivre quelques filets d’eau contrairement à la plupart de ses sœurs rouennaises, on remarque et regrette une dégradation de la pierre qui a tendance à s’accélérer rapidement. C’est ainsi que sur le côté droit inférieur, l’un des plus vieux moutons auréolés de la ville risque de trépasser. La comparaison entre deux photos prises à 18 mois d’intervalle seulement est éloquente.
Rédigé par : D@niel | 17 septembre 2010 à 06:06