Bonsoir Manu, bonsoir Malik, bonsoir à vous toutes et tous, auditrices et auditeurs d’HDR. Pour notre 4e chronique du Speedball, dédiée aux accrocs de la politique et d’internet, j’ai eu la flemme ! Je n’ai rien écrit… J’ai plutôt eu envie de vous faire partager mes lectures et, actualité oblige, de faire une petite rétrospective sur le festival Normandie Impressionniste qui a occupé nos gazettes tout l’été. Voici donc quelques extraits des meilleurs blogs qui en ont causé : Persiflages, le blog de l'écrivain Michel Perdrial, L'escalier qui bibliothèque, Rouen chronicle, Sunship... Attention, ça va grincer !
Il y eut d’abord l’annonce chez Guy M. :
Les normands élevés au pur jus de pomme le savent bien, mais le monde en général l'ignore : nous avons inventé l'Impressionnisme. Et nous avons décidé de n'en être pas peu fiers. La survie s'annonce plutôt difficile pour les Rouennais qui digèrent mal la cuisine impressionniste.
Indigestion prévisible relayée par Félix Pheillon :
Le Fanal de Rouen, quotidien auquel est abonné le docteur Homais (il y compose même des articles) nous bassine quasiment chaque jour de la « grande exposition impressionniste » de l’an prochain. On tient là la grande affaire. Tout le monde, du culturel le plus vain au commercial le moins désintéressé, se met en ordre de marche. La mobilisation est à ce point qu’il n’est pas assez d’idées saugrenues pour illustrer le sujet.
Notre vénérable chroniqueur y reviendra plus d’une fois :
On s’échauffe sur la rétrospective impressionniste prévue en 2010. Chacun y va du compteur de chiffres avec le nombre de toiles accrochées, voire celui des visiteurs. On pourra bientôt rester chez soi, la chose étant déjà calibrée comme « ayant eu lieu ».
Évidemment, il ne s’agit que d’une affaire de communication. Et de la plus terre à terre. Quelle ambition, quel courage y a-t-il à exposer Monet, Pissarro, Boudin ou Guillaumin devenus des peintres pour calendriers et objets dérivés ? On fait du culturel à bon compte, irréprochable et consensuel, sans se fatiguer les méninges, juste à se fouler le poignet en signant les chèques. Tout ça histoire d’illustrer le règne de Laurent le Magnifique, prince d’Agglo, depuis peu protecteur des arts. Si ça l’amuse…
Car pour la centaine de toiles (mettons quatre-vingts) au Musée, combien de reproductions, tous formats et tous supports ! Car il faudra contenter Fontaine sous Préaux et Montigny, les convaincre qu’ils sont parties prenantes, et que si Impression soleil levant à la salle Boby-Lapointe c’est pas possible, en revanche ils auront les Nymphéas en projections lumineuses sur le mur du Shopi. Cette rétrospective trouvera là sa vraie modernité : dans le simulacre et le faire-savoir.
Aujourd’hui, des impressionnistes, seuls les lourds cadres dorés impressionnent. Ça fait riche, sérieux, arrivé. C’est comme de l’investissement, de la peinture à placer comme on place ses économies. La peinture, la vraie, la neuve, c’est autre chose ; la culture, la vraie, la seule, c’est aussi autre chose.
Ainsi, ce jour, dans Le Fanal de Rouen (toujours en revenir à Flaubert et à ses bourgeois) daté du 29 avril 2009, cette phrase magnifique dudit Laurent : « L’ensemble de ces tableaux [ceux qui seront exposés] représente une valeur cumulée de plus d’un milliard d’euros ».
Le monde entier retenait son souffle à l’approche de la grande exposition prévue au Musée des Beaux-Arts de Rouen. Pour notre plus grand bonheur, Michel Perdrial y est allé en éclaireur, pour une avant-première réservée à la presse et aux amis des musées :
Je fais bien d’être l’un des premiers arrivés. Je peux entrer dans la première partie de la formidable exposition à l’entrée de laquelle se trouve non pas le directeur du Musée mais celui de l’Office de Tourisme. Je file vers la fin, où sont exposés les quelques tableaux que Gauguin fit lors de son court séjour décevant dans notre bonne ville, des toiles où l’on devine le vrai Gauguin, celui d’après, de Pont Aven et des Marquises, puis je vais attendre l’ouverture des portes de la deuxième partie où on ne peut entrer car la télévision n’a pas fini de filmer les Cathédrales de Monet. Dès le feu vert, j’y suis et seul avec elles. Elles ne sont que onze, moins nombreuses que lors de l’exposition d’il y a je ne sais combien d’années quand les politiciens ne se transformaient pas en commissaires d’exposition, quand on pouvait à Rouen montrer de l’art sans la fête foraine autour. Je m’attarde aussi un peu devant la série des bords de Seine que fit le vieux Pissarro depuis la fenêtre de son hôtel après avoir vu les Cathédrales de Monet, une sorte de « à la manière de ».
Quand je m’apprête à sortir, je vois arriver Fabius, le nouveau maître des lieux. Il se précipite sur les deux vieilles dames qui me précèdent :
-Alors ça vous a plu ? leur demande-t-il tout sourire dehors.
-Oh oui, répond l’une, j’ai découvert Lemaître.
-Ah, Lemaître, s’écrie le Fabuleux, que j’adôôôre, que j’adôôôre !
Ça pue, comme dirait celle qui n’est pas avec moi, il est vraiment temps de mettre les bouts.
Et puis, il y eut l’inauguration officielle. Les cartons d’invitation étaient rares pour les Rouennais mais il en faut plus pour décourager l’amateur d’art qu’est l’auteur de L’escalier qui bibliothèque :
Si la Préfecture de Police avait eu à dénombrer l'assistance, elle aurait compté plusieurs centaines de personnes. Je tiens à préciser que nous étions plus du double, et je vous laisse faire le calcul. Il fallut attendre l'arrivée de monsieur Laurent Fabius pour commencer les discours prévus.
Celui de madame Valérie Fourneyron, d'une bonne longueur, ne permit pas de rattraper le retard qui avait été pris. A peine fut-il émaillé d'un lapsus et d'une bourde qui n'ont ni rafraîchi l'air surchauffé sous la verrière, ni détendu l'assistance en surchauffe sous ladite verrière. Aussitôt repris, le lapsus ("explosion" pour "exposition") a prestement mis en émoi les vigiles en faction sur chaque escalier, prétendument pour y prévenir les faux pas du troisième âge, en sur-représentation ce soir-là. Quant à la bourde ("Picasso" pour "Pissarro"), elle n'est que l'indice d'une culture assez étendue pour dépasser les frontières de l'Impressionnisme, et c'est ainsi qu'elle fut entendue.
Mais il y eut d’autres évènements comme par exemple cette exposition au Fonds Régional d’Art Contemporain qui nous est décrite par Perdrial :
Au prétexte de rendre hommage au Déjeuner sur l’herbe de Manet, ce sont scènes de baignade et de pique-nique à n’en savoir que voir, et certaines très inintéressantes. La plupart de ces photos ont été exposées dans le passé au Pôle Image, à l’Ecole des Beaux-Arts ou ici, dans une autre optique et sous un autre intitulé, mais en Normandie, pour plusieurs mois, Fabius l’a décidé, tout doit être impressionniste, pré-impressionniste ou post-impressionniste.
On a même battu des records inscrits désormais dans le Guiness Book ! Vous souvenez-vous de la plus grande toile du monde au début juin ? Voici ce qu’en disait Franpi dans Sunship :
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que la seule vraie manifestation qui a fait parler d'elle dans ce "festival de l'impressionnisme", c'est l'espèce de patronage digne des grandes heures de Dimanche Martin qui consistait à battre le record de la plus grand toile impressionniste sur le parvis de l'hôtel de Ville par des rouennais déguisés en canotiers sur l'air anachronique de "l'amant de Saint Jean"... On passera le fatras conceptuel de "l'imagerie" qui associe toujours "musette" et peinture impressionniste : "L'amant de Saint Jean" a été créé en 1942 par Lucienne Delyle ; Monet bouffait déjà des Nymphéas par la racine depuis 16 ans et le "manifeste du Surréalisme" avait 14 ans... Mais les légendes sont tenaces !
Et pour conclure en beauté, le billet de Perdrial, tout frais de ce matin :
Je trouve, samedi dernier, un article en lecture gratuite sur le site du seul quotidien régional de Haute-Normandie. Pauline Lefrançois y narre le Grand Bal Impressionniste du Hangar Vingt-Trois qui achève le festival Normandie Impressionniste. Avec cette bouffonnerie (qui vaut celle du plus grand tableau impressionniste vivant qui l’a ouverte) se termine le navrant Fabiusland dont Monet a fait les frais.
Avec ce pied-de-nez, pastiche d’un extrait d’un texte de Georges Perec tiré d’Un cabinet d’amateur :
Pendant plusieurs mois, sous les triples auspices du quotidien Paris Normandie, de la Communauté de l’Agglomération de Rouen-Elbeuf-Austreberthe, et de la chambre de commerce normando-normande, ballets, concerts, défilés de mannequins, semaines commerciales et gastronomiques, foires industrielles, démonstrations gymniques, expositions artistiques, pièces de théâtre, opéras, opérettes, revues à grand spectacle, conférences, grands bals et banquets se succédèrent sans interruption, offrant aux impressionnistophiles accourus tout exprès des quatre coins du continent européen la primeur de spectacles plus ambitieux les uns que les autres, dont les trois clous furent sans conteste la reconstitution géante en plein air d’une Cathédrale (que la pluie vint malheureusement interrompre au bout de sept heures et demie), la création mondiale de Danses et masques, concert symphonique de l’Opéra de Rouen dont l’interprétation exigeait deux cent vingt-cinq musiciens, onze solistes et huit cents choristes, et la première à Tonneville d’un concours de peinture « Levers et couchers de Soleil en Normandie » au Planétarium Ludiver.
Au milieu de ces productions colossales dont les publicités fracassantes couvraient des pages entières de magazines, l’exposition de peintures, qui se tint de juin à septembre dans les salles du Musée des Beaux-Arts de Rouen, faillit bien passer inaperçue.
Ce pot pourri m’aura permis de vous faire découvrir quelques uns de mes blogs préférés. Vous pouvez retrouver cette chronique ainsi que les liens vers les sources que j’ai citées sur mon blog laureleforestier.com avec en prime des détournements impressionnistes, réalisés par Le Major qui s’est amusé à insérer dans des tableaux universellement connus, quelques unes de nos figures politiques locales. Saurez-vous les retrouver ? A mercredi prochain pour une nouvelle chronique et d’ici là, gardez les yeux et les oreilles ouverts et méfiez-vous de la culture confiture !
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