Des
affaires particulièrement graves comme celle d’Outreau, les
délais trop longs des procédures civiles ou pénales,
les condamnations de l’Etat français par les instances
européennes en matière de durée de détention
provisoire ou de conditions carcérales, sont autant de signes
d’une défaillance de notre justice et les causes de la
défiance grandissante de nos concitoyens envers elle.
Afin
de remplir son rôle de régulation sociale, notre justice
doit être réellement indépendante. Pour ce faire,
la désignation du Garde des Sceaux devrait évoluer vers
un mécanisme de nomination par les députés et
sénateurs selon une majorité qualifiée des deux
tiers, sur proposition du chef de l’Etat. Indépendant du
gouvernement, il collaborerait avec lui quant aux priorités et
moyens. Distinct du pouvoir législatif, il porterait devant le
parlement un débat sur la politique pénale. De la même
manière, la réforme sur la composition et la présidence
du Conseil Supérieur de la Magistrature ne saurait être
reportée une nouvelle fois.
En
matière pénale, l’objectif doit être d’assurer
les poursuites et de protéger la société tout en
améliorant sensiblement les droits de la défense.
C'est pourquoi je pense primordial d’en finir avec la religion de
l’aveu et de limiter fortement le recours à la détention
provisoire, ainsi que sa durée. Les alternatives proposées,
comme celles de repenser et développer la surveillance
électronique ou les travaux d’intérêt général,
doivent être poursuivies. Nos prisons, honteusement
surpeuplées, comptent 30 % de prisonniers en détention
provisoire…
Face
à cette situation, je m’inquiète de l’effet d'une
mesure comme la «peine plancher» pour les
multi-récidivistes que le gouvernement veut mettre en place.
Toutes les organisations de magistrats, de gauche comme de droite,
soulignent que cette réforme va entraîner une explosion
du nombre des incarcérations, y compris pour les mineurs,
allant au-delà des capacités actuelles d’accueil des
établissements pénitentiaires français. Une
telle réforme ne peut se concevoir qu’en étant
accompagnée simultanément de deux autres réformes,
l’une pour développer les sanctions alternatives à
l’emprisonnement pur et simple et développer les centres
spécialisés pour les mineurs, l’autre pour développer
les mesures d’aide à la réinsertion des sortants de
prison.
Le
projet de loi qui a été transmis par Mme Rachida DATI
au Conseil d’État pour avis fin mai 2007 ne prévoit
aucune de ces indispensables mesures d’accompagnement. La réforme,
telle que le Gouvernement veut la mettre en place dès cet été,
conduira en réalité à de nouvelles condamnations
de la France pour conditions de détention contraires à
la Convention européenne des droits de l’homme, et à
la sortie de prison de condamnés endurcis et sans projet de
vie, avec les risques de rechute dans la délinquance que cela
implique. Une telle mesure porte atteinte au principe de
personnalisation des peines et risque de conduire à un
accroissement des incarcérations. Je crois bien plus utile
qu’un délinquant, et en particulier un mineur, soit
sanctionné, à proportion, dès le premier acte
délictueux. Avec une telle politique pénale, les
limites des programmes actuels de construction d’établissement
– même s’ils permettent l’amélioration des
conditions de détention - seront très vite atteintes.
Notre
politique pénitentiaire doit être repensée, en
commençant par considérer l’emprisonnement comme une
période transitoire, et non comme une relégation
définitive. Le détenu n’est pas hors de la société,
la prison non plus. Ainsi, la suppression des sorties «sèches»
doit être un objectif, de même que l’obligation d’une
activité pour tout détenu, et le renforcement des
services d’insertion et de probation.
Parce que ces
questions sont prioritaires et majeures, elles requièrent une
évaluation en amont des moyens et une loi de programmation,
garante d’un effort prolongé et soutenu.
C’est
pourquoi, élue, conformément à la ligne
politique, nouvelle en France, du Mouvement Démocrate,
j'approuverai certaines de ces réformes dès lors
qu’elles seront conformes aux intérêts et aux besoins
des citoyens, mais je m'élèverai contre d’autres
réformes inacceptables qui perdraient de vue la nécessaire
égalité de traitement entre tous les citoyens.
Les commentaires récents