La petite ville est très agréable à contempler. On la voit de partout
et c’est toujours la même île de pierres accumulées émergeant d’une mer de
verdure. D’entre les pierres il surgit quelques rocs sveltes et dentelés, ce
sont les flèches de ses églises jadis phare des âmes. (*)
Ainsi donc hier, lors d’une conférence de presse, la municipalité rouennaise a dévoilé le « nouveau » projet de l’espace Monet cathédrale. Je ne sais à quand il faut remonter pour dater la malédiction rouennaise qui veuille que tout projet soit systématiquement revu à l’aune de la médiocrité et de l’absence d’audace. Non pas que je chérissais particulièrement le précédent projet architectural, un peu trop « radiateur » dans son allure générale, à tout le moins ne présentait-il pas cet aspect particulièrement banal à pleurer, n’utilisait pas pour complaire aux traditionalistes cette horrible pierre agrafée faisant ressembler l’édifice aux plus mornes réalisations d’immeubles de bureaux qui se sont érigées sur le boulevard de l’Europe.
L'ancien projet, genre radiateur Le nouveau projet, genre médiathèque Riciotti en moins bien mâtiné de Bouygues immeuble de bureaux.La cathédrale domine, écrase, dévore la petite ville nichée à ses pieds
et qui semble en découler comme une source de pierre. (…) Deux autres églises,
encore vastes et belles s’élevèrent à ses côtés et plus loin dans les campagnes,
au bord des rivières, à la lisière des landes, des abbayes surgissaient, riches
et fleuries, et l’on se demande comment purent être conçues et crées, en
un temps assez bref, tant de
prodigieuses architectures. Il y a une telle disproportion entre les ressources
artistiques actuelles du pays et les anciennes réalisations ! (*)
Edgar Menguy ironise sur son blog tandis que Rouen socialiste tente de tirer les marrons du feu même si la vidéo, savamment montée, ne peut malgré tout masquer l’aspect pathétique de cette annonce. Quoi de neuf ? Pas la mise en valeur des ruines de l’hôtel Romé, déjà prévue dans le projet précédent. Non, aux dires de l’architecte qui réalise ici un service après-vente laborieux, on y trouvera une « bulle d’observation, sorte de petite chambre de verre » d’où le public pourra observer la cathédrale, le jardin de la cour d’Albane et la ville toute entière.
Présentation de l'espace Monet cathédrale à Rouen
envoyé par rouensocialiste. - L'actualité du moment en vidéo.
Jardin ? Oui, il paraît que l’Etat va prendre à sa charge tout un tas de réalisations : la restauration des façades ouest, l’ouverture d’un jardin sur la cour d’Albane et son extension sur la rue Saint Romain avec suppression des grilles et la création d’un musée de l’Oeuvre et trésor de la cathédrale.
Il est vrai que cela ne fait jamais que quinze ans que ces deux derniers projets sont annoncés… J’ai lu avec attention l’article dans le Fanal de Rouen mais je n’ai pas l’impression que les journalistes aient jugé bon de poser la question de la date de livraison de ces deux merveilles. D’autant qu’il me semble que voilà belle lurette que l’Etat a renoncé à créer ce fameux musée de l’Oeuvre, projet sans ambition muséographique réelle, se contentant d’aligner ciboires, croix de processions et autres instruments liturgiques, pas de quoi passionner les foules, enfin, moi, ce que j’en dis….
Lamentable compromission d’une municipalité qui selon le slogan de son
parti voulait « changer la vie » (c’était il y a dix-sept ans) mais
qui pour ne pas risquer sans doute de perdre deux ou trois voix durement
acquises ne veut surtout pas changer le décor et le conservatisme le plus
traditionnel est mis en avant à la moindre occasion. Le dossier Palais des
congrès s’enlise – cet ouvrage serait-il construit sur des sables mouvants ?
En rédigeant ce post, j’ai eu une pensée particulièrement émue pour un gars installé dorénavant dans un bureau à Déville-les-Rouen pour qui ce sujet fut une source inépuisable d’inspiration et d’appeau à trolls. A tous ceux qui veulent se rafraîchir la mémoire, allez vous recueillir chez Grandrouen et n’oubliez pas non plus notre vénérable mémorialiste, le roi des chroniques numérotées en chiffres romains qui mérite d’être à nouveau cité sur ce blog : Ce qui a été fait ici en matière d’architecture ces dernières décennies indique le chemin qui sera suivi. Ce n’est pas un choix, c’est de l’ordre de la malédiction. Tout ce qui se fait se place sous le signe de l’atonie et de l’indifférence, attitude autant célébrée que revendiquée par des Rouennais satisfaits de leur isolement raisonneur.
Et pour parfaire ton information cher lecteur, les textes
en italiques suivis de la mention (*) sont tirés d’un ouvrage de Rémi de Gourmont,
La petite ville. Il évoque en fait la
ville de Coutances et pourtant cette description colle à merveille à notre
bonne cité.
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