Bonsoir Manu, bonsoir Malik, bonsoir à vous toutes et tous, auditrices et auditeurs d’HDR. Puisque nous en sommes aujourd’hui à la 5e chronique du Speedball, dédiée aux accrocs de la politique et d’internet, j’en conclus que j’ai réussi mon mois d’essai ! Aujourd’hui, nous allons revenir sur une décision de la maire de Rouen qui agite le Landerneau politique depuis un bon mois. Et s’il y avait un endroit où il fallait être, the place to be, c’était le conseil municipal de vendredi dernier. Spectacle et émotion garantis.
Mais que se passait-il donc, allez-vous me demander chers auditeurs, attentifs certes, mais pas toujours au fait des subtilités de la vie municipale. Début Septembre, dans un arrêté municipal, Valérie Fourneyron, notre maire à tous, retirait à son adjoint Guillaume Grima, élu écologiste, ses deux principales délégations voirie et espaces verts, lui laissant seulement le portefeuille de l’environnement.
Deux mots peut-être sur le personnage de Guillaume Grima et son parcours et je vous cite un extrait de son récent portrait dans Paris-Normandie :
Une personnalité, un tempérament parfois rétif aux codes de la communication politique moderne. Atypique dans la forme comme dans le fond - un franc-parler inédit et une philosophie à part qui lui font dire sans rire : « Je ne suis pas là pour le pouvoir, pas un professionnel de la politique. »
Taxé de radicalisme par ces détracteurs, quand l'expression « ayatollah vert » n'arrive pas sur le tapis, il incarne aussi et surtout un homme de dossiers à la compétence et à la force de travail reconnues. Venu du monde associatif avec Campus Actif il rejoint les Verts de Rouen en 1998. En 2001, il est tête de liste aux municipales et réalise un joli score (plus de 10 %). Avec, en toile de fond, une bataille rangée contre le socialiste et candidat malheureux Yvon Robert. En 2008, bien qu'opposé à l'origine à une fusion des listes PS-Verts, Guillaume Grima décroche un portefeuille important en mairie. Tout juste nommé, il déclarait au sujet de sa collaboration future avec les socialistes : « Des désaccords ? Il y en aura toujours, mais ça n'empêche pas de travailler. »
Il semblerait que si en fait... Les raisons de la suspension de ses délégations ? L’expression libre de l’adjoint dans la presse et en conseil municipal, notamment sur la réorganisation des services et les moyens qui lui étaient alloués pour fonctionner correctement. Pas vraiment de quoi crier au scandale quand on prenait connaissance des propos de l’élu dans notre quotidien régional. Au point que je me demande quelle est la part de calcul politique et quelle est la part d’irrationnel dans cette décision de la Maire.
Etrange revirement en effet de Valérie Fourneyron qui, en décembre dernier, s’envolait avec Guillaume Grima pour aller assister à Copenhague à la conférence sur le climat et qui six mois plus tard, dès le mois de juillet menaçait de lui retirer ses délégations. L’adjoint aurait-il démérité, commis un énorme impair sur l’un de ses dossiers ? Que nenni et les réactions qui n’ont pas tardé à fuser après cet arbitrage insensé de Valérie Fourneyron ont toutes consisté en des témoignages de sympathie et de respect pour l’élu et le travail qu’il accomplissait à la Ville.
Pendant tout le mois de Septembre, le groupe des élus Verts de Rouen, soudés derrière leur camarade, a tenté de raisonner la maire. La solution qu’elle proposait était inacceptable : répartir les délégations ôtées aux autres adjoints Verts, une manière de distribuer les bons et les mauvais points. Une mauvaise manière surtout pour tenter d’enfoncer un coin dans la cohésion des écolos. Les discussions ont été âpres et après plusieurs changements de pied de la part de Valérie Fourneyron, il a bien fallu se rendre à l’évidence : elle ne reviendrait pas sur sa décision, soucieuse peut-être en cela de ne pas montrer trop d’atermoiements comme elle a pu déjà le faire sur des sujets tels que la Médiathèque ou la fermeture des marchés après 13 heures.
Valérie Fourneyron pendant un conseil municipal dont elle se souviendra - Photo J.M. Thuilliez issue d'un article de Paris-Normandie
Et le conseil municipal est arrivé qui a permis à Guillaume Grima de s’exprimer longuement sur toute l’affaire. Il a tenu à revenir sur ce sur quoi on l’accusait, remarquant au passage que les griefs avaient pu varier au gré des réponses embarrassées de la mairie dans la presse. Il a évoqué la difficile réorganisation des services de la Ville, très mal vécue par les agents. Malaise dans les services dont le groupe centriste s’était fait le porte-parole dans une motion en début de conseil. Réorganisation tellement mal vécue qu’elle a provoqué l’irruption de 250 agents en colère lors de la commission qui, en juin, décidait d’un nouvel organigramme des services techniques. Réorganisation que d’ailleurs les élus Verts ne cautionnaient pas et qu’ils avaient refusé de voter. Et si c’était cela que l’on fait payer aujourd’hui à Guillaume Grima ?
Une sanction individualisée, une tentative de semer le trouble au sein du groupe des élus Verts de Rouen, à quoi joue Valérie Fourneyron ? A un jeu bien risqué en tout cas… Elle permet à son opposition municipale de claironner sur les divisions de sa majorité. Ne soyons pas faussement naïfs. Toute majorité, composée forcément de plusieurs sensibilités politiques connaît des débats, des points de vue qui s’opposent. Ces conflits se régulent normalement en interne, par la négociation, et c’est plutôt un bon signe de santé démocratique.
En décidant de porter sur la place publique des divergences de vue sur la gouvernance, en sanctionnant de manière disproportionnée et abusive l’un de ses élus, la Maire de Rouen n’apporte-t-elle pas la preuve de ses difficultés à mener son équipe ?
Après cette décision où elle n’a pas hésité à stigmatiser un adjoint écologiste, qu’est-ce qui retiendra la parole des Verts désormais ? Voilà un bon moment déjà qu’ils ont tenté en interne de tirer la sonnette d’alarme sur les errements, les anomalies, les manipulations et le dysfonctionnement global. Ils ont rarement été entendus…
Vendredi soir, au conseil municipal, Guillaume Grima a volontairement transformé la fameuse phrase de Jean-Pierre Chevènement : un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne en Un adjoint ça ne démissionne pas ça l’ouvre. Je le cite in extenso :
Je ne démissionnerai pas car je reste légitime démocratiquement pour être là. Des citoyens me l’ont rappelé. Cependant, et en accord avec mon groupe, je considère qu’une étape nouvelle est passée en ce qui concerne la liberté de ton.
Alors si j’avais un conseil à donner au Maire de Rouen, c’est qu’un personnage tel que notre fougueux écolo lui serait bien plus utile à bosser concrètement sur les dossiers de la Ville comme il le faisait jusqu’alors. Et que s’il a eu le malheur de lui déplaire pour une ou deux réflexions qu’elle a jugé intempestives, elle risque de goûter encore moins la parole de Guillaume Grima et de sa liberté retrouvée.
Vous pouvez retrouver cette chronique ainsi que les liens vers les sources que j’ai citées sur mon blog laureleforestier.com . A mercredi prochain pour une nouvelle chronique et d’ici là, gardez les yeux et les oreilles ouverts et vive la liberté !
Tout le monde en a causé… Sauf le PS !
Les centristes : Tous le petit doigt sur la couture du pantalon sauf lui
L’UMP : Clash en mairie
Les Verts mais ça c’est normal : Retrait des délégations, incompréhension et détermination
Les champions toutes catégories de la langue de bois : A propos du retrait des délégations de Guillaume Grima
Quelqu’un qui d’habitude n’est pas tendre avec lui : Guillaume Grima sanctionné par son chef
En beaucoup plus poétique, Félix Pheillon
Jusqu’au Major qui, au printemps dernier, baptisait ainsi ce portrait de Guillaume Grima : Guillaume Grima en 2014, enfin libéré de sa charge d’adjoint. Quel visionnaire ce Major !
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