La première fois que l’ai vue, c’était au printemps 1994.
Avec mes compagnons, apprentis guides interprètes, nous suivions Lucien-René
Delsalle notre professeur d’histoire, dans un parcours le long de la petite
rivière du Robec, à la découverte de l’histoire industrielle et textile de Rouen.
Faut dire que Lucien-René Delsalle, il en connaît un rayon
sur le Robec. Il a écrit une somme sur le sujet, Entre Robec et Aubette, mille ans d’histoire à l’est de Rouen. Et
Lucien-René Delsalle, il rigole pas avec la défense du patrimoine, ça l’agace
qu’on soit pas plus prévenants avec ces morceaux de mémoire. Et il a un talent
très particulier quand on se balade avec lui : il est capable de vous
faire vibrer devant deux petits bouts de bâtons fichés dans l’eau et de vous
faire voyager d’un coup dans l’espace-temps, mille ans plus tôt, à l’époque de la Normandie ducale, quand
la rivière a été domestiquée et captée et que des dizaines de moulins se sont
installés le long de son cours.
Or donc, en ce bel après-midi du printemps 1994, nous nous
arrêtons devant un bâtiment de briques que mon oeil peu exercé de l’époque
n’aurait su distinguer sans les explications éclairées de notre cicérone. Et de
nous raconter l’établissement des teinturiers le long du cours d’eau, le secret
de fabrication du « rouge des Indes » et la construction par Monsieur
Auvray de ce bâtiment industriel d’avant la Révolution, tout à fait remarquable
dans sa conception. De nombreuses baies permettaient d’éclairer largement les
ateliers, des sortes de gargouilles recrachaient l’eau teintée dans la rivière.
De hautes cheminées dépassent le faîtage et viennent rythmer la construction.
En 1994, le bâtiment est vide après avoir connu divers occupants dont une
pizzeria. Et Lucien-René Delsalle de déplorer l’abandon de ce magnifique
témoignage du passé textile de Rouen et la légèreté des édiles d’ignorer ce
patrimoine à ses yeux tout aussi significatif que nos églises gothiques. Et je
crois bien que c’est ce jour-là, en entendant la passion de notre guide, que je
suis tombée à mon tour amoureuse de ce bout de ville champêtre, de ses moulins
et de son histoire.
En 1995, la ville achète la teinturerie. Mais faute de
projet et de moyens, la bâtisse demeure inoccupée et doit bientôt subir les
outrages du vandalisme : toiture d’ardoise volée, charpentes sciées. On
ira même jusqu’à araser les cheminées qui menaçaient ruine. Aussi en 2001,
quand soucieuse de doter Rouen d’une auberge de jeunesse, on me suggère l’idée
de l’installer dans l’ancienne teinturerie, je n’hésite pas une seconde. Voilà
un projet qui permet de restaurer un patrimoine exceptionnel par sa qualité
tout en garantissant sa pérennité par l’installation d’un équipement
indispensable au rayonnement touristique de la ville.
Un projet c’est long, très long, même quand tout le monde
est d’accord : il faudra trois ans pour assurer tous les financements,
trois ans de plus pour les études. Le chantier a maintenant démarré, l’auberge
de jeunesse ouvrira début 2009. Demain, on lance officiellement le chantier.
Les discours officiels se succèderont avec la cohorte des financeurs. Il y a
quelques personnes qui ne seront sûrement pas nommées et ce sont celles-là que
je voudrais remercier en citant juste leur prénom, ce sont les fonctionnaires
des diverses collectivités qui ont permis à ce dossier d’exister. Alors merci
Alain, Marc, Olivier, Christophe, Laurence qui avez partagé avec moi ce beau
projet, et qui l’avez mis en œuvre malgré toute la complexité qu’il
présentait : financements croisés, accessibilité, contraintes d’un
monument inscrit, etc.
Et il y a des jours comme ça, où on se dit qu’on est
content de son boulot.
Si vous voulez en savoir plus :Téléchargement dp_auberge_de_jeunesse.pdf
Bravo Laure, une galère de plus bien mérité et une perte de temps pour Rouen, les années alberfini
Rédigé par : aldrin feuillye | 10 novembre 2007 à 08:54
Lorsque j'étais Darnétalais, avec la ligne 2, pour aller à Rouen, je passais souvent devant cette belle bâtisse et je déplorais son état. Et je me demandais ce que c'était aussi...
je suis très heureux de voir que ce patrimoine sera conservé, qu'on y ajoutera une architecture contemporaine et qu'elle accueillera la jeunesse des quatre coins de France, de Navarre et du monde.
Un bel écrin qui a été pensé avec intelligence. Et un bien beau projet pour Rouen.
Bravo !
Rédigé par : Monsieur Julien | 11 novembre 2007 à 11:49
oups, j'ai fait une faute impardonnable dans mon premier com... Suis trop nul, je relis pas.
Rédigé par : Monsieur Julien | 11 novembre 2007 à 11:53
@ monsieur julien,
et oui nos jeunes qui iront jusqu' a là pourront même visité le centre de Darnétal qui est à côté. voir darnétal et partir
Rédigé par : aldrin feuillye | 11 novembre 2007 à 18:20
Très belle réussite. Félicitations à Laure qui a réussi à mettre en valeur notre patrimoine, à lui redonner vie et ce, en réussissant (chose suffisemment rare pour le signaler) à réunir autour de la table toutes les collectivités: ville, agglo, département, région.
Rédigé par : Edouard Lefevre | 12 novembre 2007 à 11:59
Bravo Laure, un beau projet concrétisé! Ce type d'hebergement manquait cruellement à Rouen et quand on voit son succès au Royaume Uni par exemple, on prend conscience de son importance.
Une p'tite larme quand même pour l'euro qui restera comme ma première sortie en boite.
Rédigé par : PAP | 12 novembre 2007 à 12:58
Je rapelle à Aldrin que l'auberge de jeunesse à été fermée sous l'ancienne municipalitée
Rédigé par : jean | 12 novembre 2007 à 14:29
Pour hébergement je suis d'accord, on a peut être un nouveau pont pour aller dormir, une auberge de jeunesse est un minimum pour nos futurs chef de famille. J'espère qu'ils garderont un bon souvenir de Rouen, mais le coût et sa position géographique sont fort discutable, lamentable a mon analyse, un foyer jeune travailleur dans le transport en commun, voilà peut l'avenir de ce bout de patrimoine. au prix fort du marché, mauvais acheteur.
a table
Rédigé par : aldrin feuillye | 12 novembre 2007 à 16:02
@jean
je vote aussi pour la fermeture de celle ci quelque soit la couleur du conseil qui sera présent et j'espère rapidement ouvir d'autres auberges de jeunesses par une meilleure action de la gestion. Celle ci est une roll bien trop petite pour son prix. Il y a toujours deux côtés, c'est jolie un batiment, oui.
Rédigé par : aldrin feuillye | 12 novembre 2007 à 16:19
Bravo à vous et à votre équipe, c'était une excellente idée.
Rédigé par : L'Hérétique | 14 novembre 2007 à 16:33
bonjour,
je suis étudiante en Master patrimoine et je réalise une étude de cas sur la teinturerie Auvray
malheureusement, peu d'informations sont disponibles sur le sujet et votre aide m'est indispensable, ayant diverses questions à vous poser
merci de me recontacter
Rédigé par : Leberthier Marie | 11 janvier 2008 à 17:12