Les sites de parlementaires, la plupart du
temps rédigés par leurs assistants, ont pour vocation de valoriser faire
connaître l’action dudit parlementaire, que ce soit dans l’inauguration des
chrysanthèmes ou, ce qui m’intéresse plus, dans leur action de législateur. Des
six sénateurs élus dans mon département, je remarque, et c’est tout à son
honneur, qu’une seule sénatrice a considéré utile d’ouvrir un site.
Mais je ne peux m’empêcher de tiquer devant
cet exercice d’auto-congratulation sénatoriale que je lis aujourd’hui à propos
d’un sujet particulièrement révoltant même s’il n’intéresse guère la population
et à priori pas plus la blogosphère, bien plus occupée à trépigner contre la
loi Hadopi qu’à se pencher sur la loi de la réforme pénitentiaire, actuellement
en discussion au Sénat.
Je lis ainsi sur le site de Catherine Morin-Desailly que la
discussion et l’adoption de ce projet de loi est un Moment fondateur aussi par le fait que ce texte est premier à être examiné
en application de la réforme constitutionnelle de juillet dernier qui a
considérablement renforcé les droits du Parlement.
Arrêtons in instant sur la forme. Ce sujet méritait
un vrai débat de fond. Déposé fin juin au Sénat, il se voit le 20 février, qualifié
par le gouvernement d’une procédure d’urgence. Ceci implique une seule lecture
dans chaque assemblée. Pour ceux qui ne sont pas au courant de la cuisine
législative, reportez-vous à l’excellente explication d’Authueil : Cela dépossède les parlementaires d'une
grande partie de leur pouvoir d'écrire la loi. Lors du processus normal, dès
qu'une disposition est votée en des termes identiques (on appelle cela un vote
conforme), elle est définitivement adoptée. Si une assemblée passe en deuxième
et apporte des modifications au texte, l'autre assemblée, au cours de la
seconde lecture peut choisir d'accepter ces apports. S'il y a vote conforme,
c'est acquis et ne restent plus alors en discussion, pour la commission mixte
paritaire, que les mesures qui posent réellement problème. Dans la procédure
d'urgence, l'assemblée qui examine le texte ne premier ne peut pas se
prononcer, de fait, sur les modifications apportées par l'autre chambre. Cela
se fait, en catimini entre 14 parlementaires aux ordres. Cela est très pratique
pour le gouvernement, qui peut ainsi écarter les amendements adoptés contre sa
volonté par la deuxième chambre ayant examiné le texte. Il suffit de briefer
les membres de la commission mixte paritaire (CMP). Alors que s'il y a deuxième
lecture que la disposition qui déplait au gouvernement est votée conforme, elle
est définitivement adoptée, sans que le gouvernement ne puisse plus rien y
faire.
Réaction des
Etats généraux de la condition pénitentiaire et de l’Observatoire International des Prisons qui ont en
conséquence interpellé le Parlement, au travers des Conférences des présidents
des deux assemblées, pour qu’il fasse usage de son pouvoir de refuser la
procédure accélérée, tel qu’il résulte de l’article 45 nouveau de la
Constitution.
(…) Dans l’hypothèse où les
Conférences des présidents ne consentiraient pas à réserver une suite favorable
à cette requête, l'OIP appelle solennellement l’ensemble des sénateurs, quelle
que soit leur sensibilité politique, à ne pas laisser dévaluer la fonction et
la responsabilité dévolues au législateur : en sanctionnant au travers d’un
vote négatif le texte qui leur est proposé, et en organisant dans le même
mouvement, en lien avec les députés, le processus d’élaboration d’une réforme
de la prison digne de ce nom.
La motion (pas très bien argumentée, il
faut le reconnaître) refusant l’urgence présentée par le PS a été rejetée. Je ne vois pas là de quoi se réjouir des nouveaux pouvoirs
du Parlement. Je note d’ailleurs dans le Figaro que le président de l'Assemblée nationale Bernard
Accoyer (UMP) a maintenu sa demande de levée de l'urgence pour l'examen du
projet de réforme pénitentiaire critiquant "une dérive" dans
l'utilisation selon lui trop fréquente de cette procédure. Enfin comme le note judicieusement
Authueil : ne nous emballons pas,
Accoyer peut se coucher d'un moment à l'autre devant le gouvernement. Il a
l'habitude, c'est un réflexe conditionné chez les députés.
Quant au fond, je ne vois pas là non plus grands
motifs de satisfaction. Il suffit de prendre connaissance de la position du sénateur
UMP, Hughes Portelli, pour qui l'examen,
plusieurs mois après son dépôt, du projet de loi tant attendu, risque de
laisser ceux qui attendaient une vraie réforme sur leur faim. Le projet de loi
se contente d'aménagements mineurs, mais ne traite pas le problème au fond.
Même constat bien sûr à l’OIP, qui a ouvert
des pages spéciales sur le sujet : Comme
tout un chacun, la Commission des lois du Sénat, chargée d’examiner le projet
de loi pénitentiaire avant sa discussion, a éprouvé une profonde déception en
découvrant l’indigence du texte qui lui était présenté. Des sénateurs déçus, mais résignés. En effet, piégés par leur
volonté de voter coûte que coûte cette loi tant attendue et par le souci de ne
s’opposer frontalement ni à la Chancellerie, ni à l’administration
pénitentiaire, ils se sont résolus à ne l’amender qu’à la marge.
Non rien pour se réjouir, décidemment, de
voir sans doute prochainement adopté un texte rédigé par l’administration
pénitentiaire pour l’administration pénitentiaire qui ne dit mot sur la santé
et qui traite la question du droit des détenus de manière fort générale, se
contentant de renvoyer son application à des décrets.
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