Le conseil municipal :
l’instant public, la prise de décisions par les élus, le vote des délibérations
qui engagent la Ville
sur son futur proche ou plus éloigné, la gestion des deniers publics. Ce
n’était pas le moment que je prisais le plus lors du précédent mandat,
l’exercice était long et souvent ennuyeux bien qu’obligatoire. Dans les heures
qui précédaient le conseil, je me souviens de l’ambiance tout à fait
particulière qui régnait au secrétariat des élus. Chacun se concentrait sur les
délibérations qu’il aurait à soumettre. D’aucuns, de manière très scolaire,
surlignaient les mots les plus importants des rapports qu’ils présenteraient. D’autres
harcelaient les services pour obtenir au dernier moment une information
spécifique qui leur serait peut-être réclamée. Certains savaient que telle ou
telle délibération amènerait un débat houleux et qu’ils se retrouveraient la
cible des attaques de l’opposition. Je ne sais pas dans quel état d’esprit
était Guy Pessiot en ce début d’après-midi du 2 juillet.
Hier à 17h30 foule des grands
jours pour assister à la mise à mort du projet Médiathèque dans la grande salle
de l’hôtel de de Ville. Le conseil démarre doucement avec trois motions comme
mises en bouche. La troisième, présentée par le groupe centristes, démocrates
et indépendants concerne le contournement Est et vise sans nul doute à mettre
en avant les dissensions qui peuvent régner à ce sujet au sein de la majorité
municipale. Petites escarmouches sans envergure, on attend les plats de
résistance.
L’entrée est copieuse avec la
présentation par le cabinet d’audit de la situation financière de la ville de
2005 à 2007 et les perspectives de 2008 à 2013. J’ai pitié de vous lecteurs, je
zappe, c’est trop chiant. J’en profite pour aller écluser une bière avec
quelques potes au bar d’en face. Quand je reviens, on en est toujours aux
finances et l’assistance subit un long monologue d’Yvon Robert. Si tout cela
vous branche, vous pouvez toujours aller lire ceci et cela.
Pause sandwich d’un quart
d’heure et la séance reprend à 22 heures avec l’annonce de la libération
d’Ingrid Bétancourt, applaudie par l’assemblée. Le plat de résistance arrive
enfin avec le rapport de Guy Pessiot sur la Médiathèque. Du
fond de la grande salle des commissions d’où je suis les débats, je constate
que de nombreux fonctionnaires municipaux se crispent. Passons sur le dégoût et
le découragement de ceux qui avaient longuement travaillé au projet. Notons
juste que ce moment est historique, c’est du jamais vu, une collectivité
s’apprêtant à casser des marchés publics d’une telle ampleur. Voilà un cas
d’école qui s’annonce, une belle jurisprudence à l’horizon.
Je ne reprendrai pas ici les
arguments pour et les contre. Il y a bien assez de blogs qui en parlent, à vous
de vous faire votre opinion. Dans sa démonstration, Guy Pessiot parle de
« l’entêtement coupable de l’ancien maire », de « mensonge et
mascarade » et d’un « rapport tronqué ». Bon, et mine de rien,
il conclut son rapport en réclamant l’annulation de toutes les délibérations qui se
sont succédé à ce sujet depuis 2002 et la résiliation de tous les contrats
passés. Un cas d’école je vous dis !
La première salve est envoyée
par Catherine Morin-Desailly. S’il y a une chose qu’elle aurait du retenir de
son mentor, c’est qu’un discours est beaucoup plus percutant s’il est prononcé
sans être lu mot à mot. Est-ce l’émotion ou la colère qui brouillent sa
diction ?
C’est ensuite à Cyrille Moreau
au nom des Verts d’intervenir pour réclamer des amendements auxquels les
communistes vont aussi se raccrocher et faire semblant de croire. On ne
détruirait pas le bâtiment mais on le réutiliserait pour autre chose. Je crois
qu’à ce moment là, pour certains conseillers de la majorité, la pilule est
amère. En même temps, vous allez me dire, comme personne ne va à Grammont, la
carcasse abandonnée au milieu du quartier gênera moins que l’épave
du Palais des Congrès place de la
Cathédrale…
Fred se plaît à
nous narrer les débats en mettant l’accent sur les dérives de langage de
l’opposition. Tout le monde n’a pas la chance comme lui d’avoir sa carte au
PS, et tenez, moi par exemple, je m’en voudrais, dans mon souci d’équilibre, de
ne pas aussi vous conter certaines piques de ce concours d’élégance. Ainsi,
Robert Foubert, conseiller général PS sur le canton où se trouve Grammont,
traitera la sénatrice centriste de vestale de l’ère albertinienne et autres
gracieusetés qui feront perdre les nerfs à notre parlementaire.
D’autres interventions se
succèdent, soyons charitables et ne nous étendons pas sur les Talibans invoqués
par Bruno Devaux. Nouveau petit coup sur le museau de Catherine Morin-Desailly,
administré cette fois-ci par Christine Rambaud. Un jour on fera un club, avec
aussi Françoise Guégot, de toutes les anciennes adjointes d’Albertini. Nan, je
rigole !
Favoritisme ? Je décernerai
le prix de la meilleure intervention à Edgar Menguy. Et alors ? J’ai bien
le droit d’avoir mes chouchous…
Il y a une indéniable différence
de style dans la manière de mener les débats entre Pierre Albertini et Valérie Fourneyron.
L’ancien maire, sans doute influencé par son passé professoral, avait tout de même
un goût prononcé pour tenir presque à lui seul la polémique face à l’opposition.
Seul l’adjoint concerné par la délibération montait un peu au créneau. La
nouvelle majorité municipale est beaucoup plus prompte à intervenir, Madame le Maire
se mettant un peu plus en retrait pour finalement conclure. Les débats s’éternisent,
je décroche.
Je trouve que l’opposition n’est
pas assez technique dans son attaque, devrait un peu plus presser la majorité
sur des questions bestialement financières, sur la future affectation du bâtiment,
sur les conditions de conservation des documents patrimoniaux, sur l’absurdité
des conditions de consultation des documents et des livres à Villon quand la bibliothèque
réouvrira au public. Enfin, moi ce que j’en dis…
Le vote intervient enfin, d’abord
sur les amendements proposés par les Verts, puis sur la délibération. Il est
0h28. Je quitte la salle pour aller casser une petite graine et m’en jeter un
avec les « déchargés » (si vous souhaitez connaître l’identité des « déchargés »,
reportez-vous à la délibération
2-1, chapitre II, paragraphe B). Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée
compassionnelle pour certains de mes anciens collègues que j’avais connus lors
du mandat précédent sur les bancs de l’opposition. Ce soir, du côté de la
majorité, certains ont avalé un gros anaconda (à ce niveau là, on ne parle plus
de couleuvre). Ils avaient peut-être un peu la gueule de bois ce matin, sans
parler de cette douleur pernicieuse dans le bas du dos. Au moins, ils peuvent
toujours se consoler avec la libération d’Ingrid.
Au sortir de la salle, un
fonctionnaire explose, révolté, indigné : « Des soirées comme
celles-ci me font haïr les politiques, de tout bord, droite et gauche ! »
Avec mes copains les maudits, on
continue la soirée. Si c’est une veillée funèbre, alors elle est du mode
irlandais, celle où l’on picole et l’on porte un toast à la santé du défunt en
se remémorant les bons moments. Voilà le Marité, la Médiathèque et le GPV,
trois projets phares du mandat Albertini passés à la trappe. Et comme mine de
rien, on en était aussi de cette équipe, c’est un peu à nos propres funérailles
qu’on trinque.
Je conclurai en vous faisant
profiter de ma nouvelle addiction. Voilà la cuvée de ce jour :
Certes, diriger (mot un peu fort) une ville, c’est décider ; on est
élu pour ça. Mais c’est aussi, peut-être avant tout, penser au
symbolique ; c’est avoir de l’inspiration. En conséquence, toute décision
requiert distance ou hauteur, toute prise de risque doit s’évaluer à l’aune de
qualités qu’on ne saurait trouver dans les plans comptables.
Et moi ce que j’en dis, c’est
tout comme il dit mon Félix :
A la page 100, je relève : « Hé, Kent ? lança Whitey, s’attirant un sourire de la part de
l’intéressé. C’est pas pour dire, mais qu’est-ce qu’on en a à foutre ? »
Comme thérapie expresse, avouez que c’est souverain.
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